Écrit par Lucy Sharratt, collaboratrice invitée, Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB)
Il y a beaucoup d’enthousiasme dans les médias et dans le milieu de la recherche au sujet de « l’édition génomique » ou de l’édition du génome. Les techniques sont largement décrites comme étant précises et, dans certains cas, sans OGM. Ni l’un ni l’autre n’est exact.
Après plus de vingt ans dominés par la controverse des consommateurs et largement limités aux caractères de résistance aux herbicides (88 % de toutes les cultures GM du monde), le secteur de la biotechnologie a de nouvelles techniques et une promesse renouvelée de nouveaux produits, ainsi que de nouvelles relations publiques. Cependant, tout comme pour le génie génétique de première génération (modification génétique ou GM), les techniques d’édition du génome évoluent rapidement en laboratoire pour créer de nouveaux OGM, même si nos connaissances sur le fonctionnement des génomes demeurent incomplètes. Les techniques sont puissantes et rapides, mais elles peuvent être imprécises, ce qui entraîne des conséquences inattendues.
Les techniques d’édition du génome peuvent être utilisées pour modifier le matériel génétique des plantes, des animaux et d’autres organismes. Elles visent à insérer, supprimer ou autrement modifier une séquence d’ADN à un endroit spécifique et ciblé du génome. Les techniques d’édition du génome sont un type de génie génétique qui aboutit à la création d’organismes génétiquement modifiés (OGM).
Le génome est l’ensemble du matériel génétique d’un organisme, y compris son ADN.
L’édition du génome utilise le plus souvent des découpeurs d’ADN qui sont guidés vers un endroit dans l’ADN d’un organisme et utilisés pour couper l’ADN. Cet ADN coupé est ensuite réparé par le mécanisme de réparation de la cellule, ce qui crée des « éditions » ou des modifications de l’organisme. La technique d’édition du génome la plus fréquemment utilisée est appelée CRISPR, mais d’autres techniques suivent des principes similaires.
Les techniques de génie génétique de première génération introduisent des gènes, à des endroits aléatoires, pour qu’ils fassent partie du génome de l’organisme hôte en permanence, créant ainsi de nouvelles séquences d’ADN. En revanche, les nouvelles techniques d’édition du génome insèrent du matériel génétique qui est ensuite dirigé vers un site ciblé précis pour effectuer des « éditions ». Cela signifie qu’avec l’édition du génome, le matériel génétique inséré modifie le génome, mais n’est pas nécessairement incorporé dans l’OGM qui en résulte. Cela signifie que certains OGM génomiquement édités ne seront pas transgéniques.
L’édition du génome peut être imprécise et entraîner des effets inattendus et imprévisibles. De nombreuses études ont montrent maintenant que l’édition du génome peut créer des erreurs génétiques (comme des effets « hors cible » et « sur cible »). Le système CRISPR-Cas9, par exemple, qui a fait l’objet de nombreuses discussions, peut apporter des éditions involontaires à l’ADN de l’hôte à d’autres endroits qu’à l’endroit ciblé. De telles erreurs peuvent entraîner des résultats inattendus et imprévisibles, comme des modifications dans la composition des protéines, dans les OGM qui en résultent.
Les techniques d’édition génomiques peuvent créer des modifications involontaires aux gènes qui n’étaient pas la cible du système d’édition (effets hors cible), et même lorsqu’une technique réussit à effectuer la modification prévue à l’endroit ciblé, elle peut également mener à d’autres résultats inattendus (effets sur la cible).
Le fonctionnement des gènes est coordonné par un réseau de régulation complexe qui est encore mal compris. Cela signifie qu’il n’est pas possible de prédire la nature et les conséquences de toutes les interactions entre le matériel génétique modifié et d’autres gènes au sein d’un organisme. Par exemple, une petite modification génétique peut avoir une incidence sur la capacité d’un organisme à modifier ou supprimer d’autres gènes.
Malgré ces risques, l’un des aspects les plus attrayants de l’utilisation de l’édition du génome semble être la perspective d’une diminution de la réglementation. Les produits d’éditions du génome seront réglementés au Canada, mais, selon un récent sondage mené auprès des phytogénéticiens canadiens, l’un des principaux avantages d’utiliser l’édition du génome dans la recherche est « la possibilité de voies réglementaires plus faciles vers la commercialisation ». (1) Cette voie plus facile est en grande partie une hypothèse, mais sans une plus grande transparence de la réglementation canadienne, la façon exacte dont les produits seront évalués est inconnue.
Les nouvelles techniques d’édition du génome mettront au défi les organismes de réglementation qui ont de nouveaux caractères et de nouveaux processus, avec une complexité croissante et une incertitude constante. Cela signifie que, plutôt que de croire en la sécurité, les nouvelles technologies doivent être appliquées avec précaution et faire l’objet d’un examen indépendant accru.
La question la plus fondamentale est la suivante : avons-nous besoin d’utiliser cette technologie? Celle-ci n’est toujours pas posée dans la réglementation, mais les agriculteurs biologiques y répondent; une réponse à laquelle de nombreux Canadiens souscrivent.
Pour de plus amples renseignements et une discussion sur l’édition du génome, lisez le nouveau rapport du Réseau canadien d’action sur les biotechnologies intitulé « L’édition du génome dans les domaines de l’alimentation et de l’agriculture : risques et conséquences inattendues ».
Le rapport et une fiche d’information introductive sont disponibles en ligne à l’adresse www.cban.ca/GenomeEditingReport.
Pour le rapport en français, consultez https://cban.ca/wp-content/uploads/Rapport-Edition-Genome-Dec-2020.pdf.
Pour obtenir des mises à jour ou pour en savoir plus, visitez le site https://rcab.ca/ogm/enjeux/gene-editing/.
(1) Stuart Smyth, L’édition génomique est-elle bien utilisée? The Western Producer, 9 avril 2020.
Lucy Sharratt est coordonnatrice du Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB) qui regroupe 16 organismes qui effectuent des travaux de recherche, de suivi et de sensibilisation sur les questions liées au génie génétique en matière d’alimentation et d’agriculture. Les membres du RCAB comprennent des associations d’agriculteurs, des organisations pour la justice sociale et l’environnement ainsi que des coalitions régionales de groupes de base. Le RCAB est un projet sur la plateforme partagée de Tides Canada.
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