miyo mîciwin – miyo mâcihowin :
Les peuples autochtones et l’alimentation au CanadaÉcrite par Jeff Baker, PhD
En juin 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) a publié ses 94 appels à l’action, qui visent à réparer l’héritage des pensionnats et à faire progresser les processus de réconciliation au Canada. Comme l’indique la dénomination délibérée de la CVR, la « vérité » doit précéder la « réconciliation », c’est-à-dire qu’avant de pouvoir guérir les relations entre les peuples autochtones et non autochtones, il doit y avoir une compréhension commune des réalités et des conséquences actuelles de ce qui s’est passé dans les pensionnats, ainsi que des effets d’autres politiques et pratiques coloniales conçues pour contrôler et opprimer les peuples autochtones (par exemple, la Loi sur les Indiens (1876) ; la rafle des années soixante, les certificats des Métis, etc.) Quelle est donc la vérité sur les conséquences de ces politiques et pratiques sur l’alimentation et la santé des peuples autochtones ?
La vérité est que l’introduction d’aliments occidentaux transformés et pauvres en nutriments a eu des effets significatifs et délétères sur les peuples indigènes du Canada et du monde entier. Il s’agit notamment de l’introduction de la carie dentaire, de l’arthrite, du diabète, des maladies cardiaques, du cancer et de l’obésité, entre autres (Mosby & Galloway, 2017 ; Schmidt, 1967). Des changements physiques au niveau de la mâchoire et des structures dentaires, des traits du visage et de la taille ont également été documentés (Schmidt, 1967). Il suffit d’imaginer l’effet que le passage d’un régime alimentaire composé de viandes sauvages riches en nutriments, de plantes, de baies et de noix récoltées sur la terre à un régime basé sur les provisions pauvres en nutriments fournies par les termes des traités (c’est-à-dire le saindoux, le sucre raffiné et la farine blanche) aurait sur la santé personnelle, quelle que soit l’ascendance de chacun.e.
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Ces politiques et pratiques coloniales ont également limité les possibilités économiques des communautés autochtones, dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. Avec la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’essence, une alimentation saine est tout simplement hors de portée pour de nombreuses personnes, en particulier celles qui vivent dans des communautés isolées et mal desservies, ou dans des déserts alimentaires urbains.
Enfin, nous devons également nous pencher sur l’histoire de la malnutrition et de la famine auxquelles les peuples autochtones ont été soumis au Canada, notamment les aliments inadéquats fournis dans les pensionnats, l’utilisation de la famine comme tactique de manipulation et les expériences de nutrition et de famine menées sur des enfants autochtones (Bryce, 1922 ; MacDonald et al., 2014 ; Wilk et al., 2017).
Il ne fait aucun doute que le traitement colonial des peuples autochtones au Canada a été indéniablement sombre. Si de nombreux défis subsistent aujourd’hui, tout espoir n’est pas perdu : on ne survit pas à plus d’un siècle d’oppression sans posséder des compétences et des aptitudes remarquables, ni sans avoir la ferme volonté de survivre et de guérir. Denombreuses nations autochtones ont réagi à ces réalités en mettant en œuvre des programmes de souveraineté alimentaire, en reprenant le contrôle de leurs systèmes alimentaires en développant des compétences et des capacités pertinentes, et en s’engageant avec les membres de la communauté et d’autres experts à faire revivre les pratiques alimentaires traditionnelles et à explorer des moyens novateurs de fournir des aliments plus sains, entiers et produits localement qui contribueront à la guérison de leurs citoyen.nes.
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Rien qu’en Saskatchewan, de nombreuses initiatives de ce type ont été lancées. La nation de Mistawasis Nêhiyawak, par exemple, a créé des jardins communautaires, une serre, une installation d’aquaponie, des cours de cuisine et de conservation des aliments, des ateliers de cueillette sauvage, et a également entamé le processus de retour des bisons sur ses terres. Dans le cadre d’un projet important et novateur, Mistawasis s’est associé à la nation crie du lac Muskeg pour mettre en place le seul programme de laboratoires vivants dirigé par des autochtones au Canada, intitulé Bridge to Land Water Sky, qui réunit des producteur.trices agricoles, des scientifiques et d’autres parties prenantes afin de développer et de tester conjointement des solutions innovantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et séquestrer le carbone. La nation du lac Muskeg a également planté une forêt vivrière prospère de 2,5 acres afin d’accroître la sécurité alimentaire de sa communauté. La Première nation de Flying Dust a quant à elle mis en place un jardin et un programme de marché biologiques et fructueux, et les Premières nations de Cowessess et d’Ahtahkakoop ont également fait des progrès considérables pour offrir des aliments plus sains à leurs citoyen.nes.
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Il est important de noter que ces activités ne se limitent pas à fournir des aliments sains ; elles créent également des emplois, des possibilités de formation, des relations entre les citoyen.nes, les partenaires externes et la terre, et peuvent renforcer et améliorer les identités culturelles personnelles et l’estime de soi, ce qui contribue à la guérison holistique et au bien-être de bien d’autres personnes que celles qui consomment les aliments produits. À Mistawasis, cela s’exprime simplement dans la phrase crie miyo micisowin – miyo macihowin : bonne nourriture – bonne santé. Si les causes coloniales des inégalités contemporaines en matière de santé autochtone sont complexes, les solutions, elles, ne le sont pas forcément.
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Références :
Bryce, P.H. (1922). The story of a national crime: Record of the Health Conditions of the Indians of Canada from 1904 to 1922. Tiré de : https://definingmomentscanada.ca/bryce100/the-story-of-a-national-crime-text/
MacDonald, N.E., Stanwick, R. & Lynk, A. (2014). Canada’s shameful history of nutrition research on residential school children: The need for strong medical ethics in Aboriginal health research. Canadian Pediatric Society, 19(2), 64.
Wilk, P., Maltby, A., & Cooke, M. (2017). Residential schools and the effects on Indigenous health and well-being in Canada—a scoping review. Public health reviews, 38, 1-23.
À propos l’auteur
Jeff Baker, PhD, Responsable de l’éducation et de la mobilisation des connaissances
Le Dr Baker (Jeff) est un éducateur et un chercheur métis qui utilise des méthodologies participatives et indigènes pour explorer les possibilités de transformation qui existent à l’intersection des modes de connaissance scientifiques indigènes et occidentaux. Avant de rejoindre l’institut TRI, Jeff était titulaire de la chaire d’éducation autochtone à l’université de Saskatchewan et a également travaillé pour la communauté crie de Mistawasis Nêhiyawak en tant qu’analyste politique principal et spécialiste de la souveraineté alimentaire autochtone. Le travail de Jeff concilie les questions d’équité et de
durabilité, et s’inspire largement de la diversité de ses origines et de sa riche expérience de vie et de travail dans des contextes interculturels au Canada et à l’étranger. Jeff est nUranium City, en Saskatchewan, et réside actuellement dans le village de Marcelin, en Saskatchewan.
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