Écrit par la collaboratrice invitée Lucy Sharratt, Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB)
Les agriculteurs biologiques paient un prix si les organismes génétiquement modifiés (OGM) menacent de contamination sur l’exploitation, en raison du coût des pratiques d’atténuation comme les zones tampons par exemple. La menace que représente pour les produits biologiques l’introduction de certaines cultures GM, comme la luzerne GM, n’a pas encore été abordée dans la réglementation canadienne. Cependant, maintenant que la contamination par les OGM interrompt le commerce mondial des céréales, les gouvernements des principaux pays producteurs d’OGM, dont le Canada, cherchent une solution.1
Croplife affirme aujourd’hui que « la pureté à 100 % est impossible dans la production de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de semences, et que les produits agricoles sont inévitablement mélangés dans une faible mesure ».2 Cette contamination par les OGM est devenue un problème commercial mondial parce que le Canada, les États-Unis et quelques autres pays (principalement en Amérique du Sud) cultivent de nombreux OGM qui ne sont pas encore approuvés par tous les partenaires commerciaux (approbations asynchrones des OGM).
Par exemple, bien que Santé Canada ait approuvé le lin GM Triffid comme étant sans danger pour la consommation (en 2001), aucun autre pays que les États-Unis ne l’avait fait et la découverte de la contamination par le Triffid (en 2009) a donc mis fin au commerce du lin canadien vers l’Europe.3 Si l’Union européenne avait adopté une politique de « faible présence » (LLP), les États membres auraient accepté le faible niveau de contamination par le Triffid comme étant sans danger parce que Santé Canada l’avait déclaré.
Cependant, les expéditions contaminées par des OGM qui ne sont pas encore évalués comme sûrs par les régulateurs de nos marchés d’exportation sont refusées par ces marchés. Le Conseil des grains du Canada qualifie ce problème de » barrière commerciale non tarifaire « .4 La réponse d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) n’est pas d’identifier la contamination comme étant le problème, mais la réponse politique de tolérance zéro.
Il existe deux approches distinctes pour traiter le problème de la contamination par des OGM non approuvés. L’une est notre politique actuelle de tolérance zéro et l’autre est une politique d’acceptation de la présence à faible niveau. La première s’appuie sur l’évaluation de la sécurité des OGM de Santé Canada pour décider quels OGM les Canadiens consomment, et la seconde accepterait les décisions des organismes de réglementation de certains autres pays. Cette dernière est l’option de politique de la LLP promue au niveau mondial par AAC5, mais pas encore mise en œuvre au niveau national.
Si elle est mise en œuvre au Canada, cette politique de LLP proposée accepterait un niveau de contamination dans les importations d’OGM qui n’ont pas encore été approuvés par Santé Canada, mais qui ont été approuvés par au moins un pays conformément aux directives du Codex et qui ont également été soumis à l’approbation du Canada.
Une telle politique accepte les décisions de sécurité d’autres pays sélectionnés afin de résoudre les problèmes commerciaux. L’objectif ultime est de voir nos partenaires commerciaux adopter une politique de protection de la vie privée qui accepterait la contamination par des OGM dans les expéditions en provenance du Canada, même si les organismes de réglementation du pays importateur n’ont pas encore approuvé l’innocuité des OGM.
Les seuils qui définissent un niveau acceptable de contamination ne sont pas calculés en fonction de la sécurité, mais de la capacité (ou de l’incapacité) du commerce des céréales à effectuer la ségrégation. Croplife est très clair sur le fait que les seuils ne sont » pas basés sur des questions de sécurité, mais sur des limites réalisables compte tenu des normes de production et de commercialisation actuelles « .6 Plus le seuil du programme d’éducation et de formation tout au long de la vie est élevé, plus le coût pour les semenciers est faible.7
Le modèle de politique d’AAC nomme un seuil de 3 % pour la contamination par un OGM non approuvé, et de 0,2 % pour la PLV due à la poussière ou à des traces d’événements GM abandonnés. L’industrie céréalière canadienne aurait préféré 5 %8 et va probablement plaider pour une augmentation du seuil au fil du temps. En fait, la politique de LLP est de facto permissive pour les pratiques de confinement laxistes. L’acceptation mondiale de la contamination par les OGM via l’adoption de la politique du programme d’éducation et de formation tout au long de la vie normaliserait la contamination, permettrait l’expansion mondiale de la contamination par les OGM dans le commerce des céréales et saperait les autres efforts de confinement des OGM.
Lorsqu’AAC a présenté la politique pour la première fois en 2011, les consultations ont fait ressortir » une importante dichotomie d’opinions entre les intervenants « .9 Des préoccupations ont été exprimées par l’ensemble du secteur biologique, mais aussi par de nombreux intervenants du secteur conventionnel, comme ceux de la transformation des aliments.
Le modèle de politique actuel a été élaboré en 2017 et est » conçu pour stimuler les discussions nationales et internationales sur la gestion de la PEV « 10, notamment avec l’Initiative mondiale sur la présence à faible niveau, lancée par le Canada avec 15 pays participants, dont 11 dans les Amériques.
Entre-temps, l’accord Canada-États-Unis-Mexique stipule que « chaque partie adopte ou maintient des politiques ou des approches destinées à faciliter la gestion des occurrences de la LLP ». Dans ce contexte, l’une des réponses consiste à maintenir la politique existante de tolérance zéro comme moyen de gérer les occurrences de LLP. C’est ce que demandent le COTA et le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB).
Les enjeux sont particulièrement élevés, car l’Argentine vient d’approuver le premier blé génétiquement modifié au monde (le HB4 résistant à la sécheresse de la société de biotechnologie Bioceres) – bien que la commercialisation dépende de l’approbation du Brésil, le principal importateur de blé argentin. Les Producteurs de grains du Canada, ainsi que les associations céréalières américaines et australiennes, ont clairement indiqué que l’avenir de tout blé génétiquement modifié dépend de l’acceptation de la contamination par les OGM par les marchés d’exportation11.
Si une politique de protection de la vie privée pour les céréales, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux gagne du terrain, une politique de protection de la vie privée pour les semences ne devrait pas tarder. La table ronde sur la chaîne de valeur du secteur des semences a mis en place un groupe de travail sur la présence de faible niveau dans les semences et l’Association canadienne du commerce des semences s’attend à ce qu’une politique de LLP pour les semences soit » dirigée par le secteur et habilitée par le gouvernement » (en désignant un rôle de leader pour la Fédération internationale des semences)12.
Déjà, le modèle de politique d’AAC stipule que » les solutions de politique de PEL doivent être mises en œuvre de manière à remplacer toute norme de pureté variétale, biologique ou autre norme agricole de ce type « 13.
Pour plus d’informations et des mises à jour, voir www.cban.ca/llp
Le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB) réunit 16 groupes qui effectuent des recherches, surveillent et sensibilisent aux questions liées au génie génétique dans l’alimentation et l’agriculture. Le RCAB est un projet de la plateforme partagée de MakeWay Charitable Society.
À propos de Lucy Sharratt:
Lucy Sharratt est la coordinatrice du Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB), qui rassemble 16 groupes chargés de la recherche, du suivi et de la sensibilisation aux questions liées au génie génétique dans l’alimentation et l’agriculture. Les membres du RCAB comprennent des associations d’agriculteurs, des organisations de défense de l’environnement et de la justice sociale, et des coalitions régionales de groupes de base.Le RCAB est un projet de la plateforme partagée de MakeWay.
Plus d’informations CBAN ici
1. http://www.gaabt.org/regulatory-cooperation/global-llp-initiative-gli/
2. https://croplife.org/plant-biotechnology/regulatory-2/asynchronous-approvalslow-level-presence/
3. www.cban.ca/flax
4. https://www.producer.com/2018/12/canada-makes-strides-on-low-level-presence/
5. https://www.agr.gc.ca/eng/international-trade/agri-food-trade-issues/technical-trade-issues-in-agriculture/low-level-presence/?id=1384370877312
6. https://croplife.org/plant-biotechnology/regulatory-2/asynchronous-approvalslow-level-presence/
7. https://croplife.org/plant-biotechnology/regulatory-2/asynchronous-approvalslow-level-presence/
8. https://www.producer.com/2018/12/canada-makes-strides-on-low-level-presence/
9. https://cban.ca/wp-content/uploads/Consultation-on-the-Proposed-Domestic-LLP-Policy-Final-report-by-Redfern-Research.pdf
10. https://www.agr.gc.ca/eng/international-trade/agri-food-trade-issues/technical-trade-issues-in-agriculture/low-level-presence-factsheet/?id=1472837477356
11. https://www.uswheat.org/wp-content/uploads/2018/06/2014-U.S.-Australia-Canada-Trilateral-Statement-on-Wheat-Biotechnology.pdf12. https://germination.ca/deal-llp-seed/
13. https://www.agr.gc.ca/eng/international-trade/agri-food-trade-issues/technical-trade-issues-in-agriculture/policy-model-managing-low-level-presence-of-genetically-modified-crops-in-imported-grain-food-and-feed/?id=1472836695032
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